Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau

1 Avril 2025 , Rédigé par RoM Publié dans #Personnages

             Il y eut un jour une alsacienne impératrice. Elle est née dans les années 840 (Kintzheim, à côté de Sélestat, revendique sa naissance) et se prénomme Richarde. Elle est la fille du comte du Nordgau (Bas-rhin) Berthold 1er de Souabe, descendant des ducs d’Alsace. Elle a une enfance heureuse, est jolie, bien élevée et spirituelle. Elle a fait ses études au couvent de Sainte Odile au Hohenbourg, parle et écrit le latin, fait de la poésie.  Le rêve en ces temps mouvementés.
             
En 862, on la marie avec Charles, le troisième fils de l’empereur Louis le germanique, petit-fils de Charlemagne. Quel fabuleux destin ! La voilà princesse à la cour de Kirchheim à côté de Marlenheim. Elle a reçu de son père en dot de nombreuses terres notamment à Marlenheim et Kintzheim.

Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau

             A la mort de l’empereur Louis II le germanique (le petit-fils de Charlemagne), en 876, Charles (son frère ayant abdiqué) devient roi d’Alémanie sous le nom de Charles III le gros. Notre Richarde devient ainsi reine. Leur destin va prendre un tour vertigineux lorsque les frères et cousins de Charles décèdent les uns après les autres lui octroyant successivement les royaumes d’Italie, de Germanie puis de France ! Charles III se retrouve le seul héritier du grand Charlemagne a la tête de l’immense empire. Il est complètement dépassé par les évènements et en proie à des crises de paranoïa de plus en plus sévères. Richarde soutient son mari du mieux qu’elle peut et doit le remplacer quand les crises l’empêchent de gérer l’empire.

Charles III le gros

Charles III le gros

Elle s’investit beaucoup dans les affaires religieuses et multiplie les dotations à des œuvres comme son arrière-tante, Sainte Odile. Richarde aurait fait un rêve ou une apparition lui demande de créer une abbaye à l’endroit où elle verra une ourse gratter le sol ! Elle va trouver cette ourse dans la vallée de la rivière de l’Andlau, où elle la voit, un jour, gratter la terre pour enterrer son ourson. La légende raconte qu’en caressant l’ourson, Richarde lui redonne vie et qu’elle décide de garder avec elle cet ourson. Elle décide surtout de construire à cet endroit une abbaye autour de laquelle se formera plus tard la petite ville d’Andlau.

 Le jeune couple est couronné en 881 par le pape Jean VIII à Rome. Le job est infernal car les frontières sont attaquées simultanément par les Vikings à l’ouest, les Hongrois à l’est et les Sarrasins en Italie. Ils sont obligés de se déplacer personnellement plusieurs fois avec leur armée. En 882, les Normands ravagent la vallée du Rhin, pille Trèves et remporte une victoire devant Metz. Charles donne beaucoup d’argent pour qu’ils se retirent. En 885, les mêmes Normands assiègent Paris et Charles paye encore. En fait Charles est de plus en plus incapable de gérer tous ces problèmes. C’est souvent Richarde qui prend les décisions avec Liutward, l’évêque de Vercelli en qui elle a placé maladroitement sa confiance car il est détesté par tous les autres princes.

En 883, manipulé par ses conseillers, Charles accuse sa femme d'adultère et la répudie arguant que le mariage n'a jamais été consommé. L’objectif est également de faire tomber le trop puissant et haï, ministre Liutward. Devant l’assemblée des grands seigneurs de l’empire, l’impératrice Richarde exige la possibilité de se justifier devant une cour d’évêques et de princes afin de prouver son innocence. Elle se soumet à l’épreuve de l'ordalie et endure le supplice de la main sur un fer rougi au feu sans ressentir aucune souffrance apparente. En réalité, comme cela se pratique à l’époque, Richarde, produit 72 attestations cojureurs. Elle déclare à son mari que, malgré tout le mal qu’il lui a infligé, elle lui accorde son pardon mais qu’elle le quitte pour se retirer dans son monastère du Val d’Eléon (Andlau).

Notre alsacienne se consacre entièrement à son abbaye. Elle s’efforce de lui donner un statut fidèle au message du pape : celui d’un phare de la chrétienté. Vers 890, Richarde en élabore les statuts. Charles III le gros, lui, est destitué peu de temps après, en 887, et mourra de dépit un mois plus tard. C’en est finit de la dynastie des Carolingiens.

Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau

             Richarde finit sa vie dans la prière et les bonnes œuvres. Elle trouve aussi une source de consolations dans les lettres, qu'elle cultive avec une grande distinction ; plusieurs belles poésies, qui sont parvenues jusqu'à nous, peignent sa résignation et la pureté de son âme. Elle meurt, l’âme en paix, en 893 ou 894. Elle est enterrée dans une chapelle latérale de l'église d'Andlau. Le 10 novembre 1049, le pape alsacien Léon IX, de retour du concile de Mayence, s’arrête à Andlau. Il bénit la nouvelle église abbatiale, nouvellement construite sous l'abbesse Mathilde. Il y transfère le corps de Richarde. Il fait ériger un sarcophage au fond du chœur, derrière le maître-autel où les reliques sont déposées en grande procession. Selon les usages et les rites en vigueur à cette époque, cet acte équivaut à la canonisation et marque la reconnaissance officielle de l’Eglise de la sainteté de l’impératrice alsacienne en temps que patronne des chanoisses. En souvenir de Richarde et de la création de l'abbaye, on élèvera un ours au couvent jusqu’au 18ème siècle. Les boulangers du village devaient apporter chaque semaine un pain pour nourir l'animal. Dans la crypte au sous-sol se trouve une sculpture d'ours qui marque l'endroit où Richarde a vu l'ours creuser la terre et devant la sculpture, il y a un trou avec une trappe qui renferme la terre à l'origine de la construction de l'abbaye. On trouve des ours un peu partout dans le village, l'ourse à la grappe de raisin, l'ourse sur le puit, sur la place du village ou devant l'abbaye. Celui de cette dernière est réputée depuis rendre fécondes les femmes stériles qui doivent pour cela se laisser glisser le long de son échine

Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau
Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau
Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau

            Il faut absolument visiter l’Abbatiale Saint Pierre et Paul, joyau de l’art roman, sa magnifique nef carolingienne et sa crypte pour y découvrir la légende du lieu. Le musée de la Seigneurie des Andlau est remarquable pour la découverte des richesses du pays de Barr. Pour vous imprégner de la sérénité des lieux, vous pourrez arpentez les rues du Lavoir, des Bonnes gens, la rue des Remparts et le sentier de la grotte (disque rouge) qui vous mènera dans les vignes. Après 15 minutes de marche, vous découvrirez la gloriette du Kastelberg, point de vue exceptionnel sur le village.
            Andlau est aujourd’hui un joli village paisible dans son écrin de vignes et de forêts. Trois grands crus font sa réputation : Wiebelsberg, Kastelberg et Moenchberg. Ces terroirs de schistes, quartz, granit ou sablo-argineux donnent des vins fruités, élégants et virils, à déguster auprès des treize vignerons du village.
             L’histoire du village est intimement liée à la famille d’Andlau, seigneurs puis comtes qui étaient les avoués de l’abbaye qui deviendra un lieu de pèlerinage pendant des siècles. La seigneurie des Andlau accueille aujourd’hui le « Centre d’Interprétation du Patrimoine ». Les ruines de leur château dominent toujours la plaine.

 

Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau
Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau
Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau
Richarde l’impératrice alsacienne fonde Andlau
Le chateau d'Andlau
Le chateau d'Andlau
Le chateau d'Andlau
Le chateau d'Andlau

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