28 Avril 2020
Rodolphe 1er ; Ensisheim en 1492 lors de la chute d'une météorite, et en 1644
Qui sait que l’histoire des Habsbourg commence en Alsace ?
Leur histoire est assurément romanesque car ils domineront le monde pendant 900 ans ! Dans les années 1000, trois frères héritèrent d’importants domaines en pays de Bade, en Alsace et en Argovie (comté de Nordgau, d’Ortenau et de d’Aargau). Un certain Werner, devint évêque de Strasbourg et fit reconstruire la cathédrale de Strasbourg qui avait brulé. Son frère, Rodolphe s’illustra, en 1053, comme l’un des chefs de l’armée pontificale de notre pape alsacien, Léon IX d’Eguisheim. Il affronta les Normands en Sicile et sera tué à la bataille de Civitate. L’autre frère, Ratbot, construisit l’abbaye Sainte Marie à Ottmarsheim pour y inhumer le corps de son frère.
Les Habsbourg ont su acquérir par leur politique matrimoniale d’importants domaines dans le sud de l’Alsace, le pays de Bade et la Suisse. Ils choisirent le camp des Hohenstaufen lorsque ceux-ci firent main basse sur l’Alsace au 11ème siècle. Ils reçurent d’ailleurs le titre de Landgrave de la Haute-Alsace (Sundgau, une partie de l'actuel Haut Rhin) lorsque les Staufen tuèrent le dernier comte d’Eguisheim en 1199.
En 1218, nait dans un des châteaux du pays de Bade, un quatrième Rodolphe. Son parrain n’est autre que Frédéric II de Hohenstaufen, le nouvel empereur du Saint-Empire qui confirme ainsi les liens entre les deux familles.
En 1239, son père décède lors de la croisade des Barons ; Rodolphe devient comte de Habsbourg, à 21 ans et hérite du titre de Landgrave de Haute Alsace. Il a le sang chaud et ne supporte pas les injustices. Intrépide, il se lance dans de nombreux conflits dans ses territoires pour ramener les brebis galeuses dans le droit chemin, notamment pendant la guerre qui opposaient les Guelfes et les Gibelins. Ce conflit à mort entre partisans de l’empereur ou du pape divise tout l’empire. Rodolphe épouse en 1245, Gertrude de Hohenberg en Forêt-noire (plus tard appelée Anna de Habsbourg 1225-1281), qui lui donnera onze enfants et qui est considéré comme l'aïeule de la dynastie des Habsbourg d’Autriche.
A la mort du dernier empereur Hohenstaufen, Rodolphe a 32 ans et habite au château d’Ensisheim entre Colmar et Mulhouse. A l’époque, l’homme fort de la région est l’évêque de Strasbourg qui possède tout ou presque, quelques 12 baillages, trois comtés avec plus de 150 000 habitants, une quarantaine de châteaux, une armée permanente de 600 cavaliers et 5 000 fantassins ! A Strasbourg il y avait à cette époque dix mille habitants et ce sont les évèques qui finançaient la construction de la grandiose cathédrale.
En mars 1260, un nouvel évêque est nommé : Walter de Geroldseck, à 30 ans, désirant probablement devenir rapidement riche, exige des Strasbourgeois le retour des droits seigneuriaux de 982 ! C’est un véritable bras de fer qui s’engage et une page fondamentale de notre histoire qui se joue. Le magistrat et les bourgeois plaident la cause de leur ville en montrant les lettres patentes de leurs privilèges acquis ; l'évêque reste intraitable ; il veut rétablir dans toute leur rigueur ses droits temporels ! Il menace d’user de tous les moyens de contrainte que lui confère son autorité épiscopale, comme l’excommunication ou l’interdit général qui prive les habitants des sacrements ecclésiastiques. Il commet là une erreur fatale car il rompt l’équilibre de la société civile d’alors.
La guerre est inévitable. Un premier incident a lieu à la Pentecôte en 1260, lorsque les Strasbourgeois détruisent le château de Mundolsheim. Walter de Geroldseck riposte en mettant la population de la ville au ban de l'Église et demande à tous les membres du Grand Chapitre, les chanoines et prêtres ainsi que tous les nobles de quitter la ville pour Dachstein, afin de priver ses habitants du secours de la religion. Avec les ecclésiastiques, 60 nobles ainsi que l’entourage de l'évêque quittent la cité emportant avec eux le Trésor de l’évêché. Les Strasbourgeois en profitent et s'empressent de piller les maisons abandonnées et de les démolir prenant ainsi un très gros risque sur leur avenir.
Replié à Molsheim, Walter de Geroldseck réclame l’aide de ses amis. L’archevêque de Trèves avec 1500 hommes, les abbés de Saint-Gall et de Murbach avec 500 hommes d’armes chacun, ainsi que tous les hommes-lige de l'évêque en Alsace arrivent en renfort dans le camp épiscopal qui s’installe à Holtzheim. Après avoir pris le château de Lingolsheim, les forces coalisées nobles ouvrent le siège de Strasbourg en déployant leurs effectifs entre Eckbolsheim et Kœnigshoffen.
Débute alors une « drôle de guerre » fait de coups de mains et d’escarmouches ; ainsi en juillet 1261, la milice strasbourgeoise fait une sortie, enlève à l'évêque de Trèves un lourd convoi chargé d'armes et de munitions et capture 60 chevaux. On signe ensuite un armistice pour permettre la rentrée des récoltes.
Se produit alors un évènement extraordinaire qui va faire basculer toute cette affaire et le destin de la région. Rodolphe de Habsbourg, qui s’était dans un premier temps allié à l’évêque, « tourne casaque » et va à Strasbourg conclure une alliance avec les bourgeois contre l’évêque et ses partisans et jurer au peuple de la ville de Strasbourg (qui avait été rassemblé pour cela), de soutenir loyalement la ville contre quiconque aussi longtemps qu’il vivrait. A Colmar, où les habitants s’opposaient en deux factions, pour ou contre l’évêque de Strasbourg. un certain Jean de Roesselmann, ami de Rodolphe de Habsbourg, met au point un complot pour prendre nuitamment la ville. Au petit matin, il ouvre une porte de la ville pour laisser entrer les troupes de Rodolphe, acclamé par la population de Colmar qui lui demande d’être leur seigneur ce qu’il restera durant toute sa vie. Lorsque la nouvelle arrive, telle une trainée de poudre à Mulhouse, ses habitants, subissant les mêmes agressions de la part de l’évêque, organisent une même révolte. La ville passe également sous le contrôle des Habsbourg qui prennent encore Kaysersberg. Rodolphe de Habsbourg prend ainsi la tête de l’opposition populaire de toute l’Alsace contre l’évêque honni. Cette alliance est inouïe car Rodolphe a pris lui aussi un risque énorme qui aurait pu lui être fatal ainsi qu'à toute sa descendance !
Walter de Géroldseck, très énervé, porte alors la guerre en Haute-Alsace, attaque Kaysersberg, investit Colmar et Mulhouse et fait détruire les faubourgs de Strasbourg. En représailles, les Strasbourgeois tombent nuitamment sur les quatre villages épiscopaux de Wolfisheim, Breuschwickersheim, Schaefolsheim et Achenheim qu’ils incendient. C’est maintenant une guerre à mort entre les deux factions. Après deux années de cette guerre d'usure, arrive l'heure de vérité. C’est à Oberhausbergen que va avoir lieu le « Crécy alsacien », le 8 mars 1262.
L’évêque Walter avait rassemblé son armée dans sa cité épiscopale à Dachstein. Les Strasbourgeois, sous la conduite du chevalier Reinbold Liebenzeller, sortent démolir le clocher de Mundolsheim pour attirer l’évêque dans un piège. Ce dernier se précipite effectivement avec 300 cavaliers pour prendre les Strasbourgeois à revers sans attendre son infanterie. Mais le reste de la milice strasbourgeoise aidée par les différentes corporations se précipite alors hors des murailles de la cité et prennent les cavaliers de l’évêque à revers devant les collines de Hausbergen. Les 300 archers strasbourgeois vont empêcher les fantassins adverses d’intervenir pendant que les bourgeois de la ville tuent tous les chevaux des cavaliers engoncés dans leurs lourdes armures. Ces derniers sont tués sans pouvoir se défendre. La victoire est totale pour Strasbourg : 1300 morts dans les rangs épiscopaux dont 70 nobles avec le frère de l’évêque et de nombreux prisonniers. Il y a quelques morts dans le camp strasbourgeois et un seul prisonnier qui paiera chère cette vilénie ! Cette victoire, entrée dans l’histoire sous le nom de bataille de Hausbergen, est capitale pour l’avenir de la région, Strasbourg devient, avec Colmar et Mulhouse, la première ville en Europe à se libérer du joug de son détestable évêque qui mourra l’année suivante de dépit.
Rodolphe est maintenant l’homme fort de la région. Fort du soutien populaire, il va encore se battre contre l’évêque de Bâle. Il fait construire à Ensisheim le puissant château du Koenigsburg où l’Empereur Sigismond établira en 1431 le siège de la régence des états d’Autriche antérieures (fief des Habsbourg).
La bataille de Hausbergen et le retour triomphal à Strasbourg
En 1273, pendant que Rodolphe assiège la ville de Bâle, un émissaire des ducs, grands électeurs de Germanie vient lui annoncer que les ducs seraient prêts à l’élire « roi des Romains » sous certaines conditions. La première indique qu’il doit stopper les convoitises du trop puissant roi de Bohème, Ottokar II qui s’était attribué le duché d’Autriche. Ce sont assurement les faits d’armes en Alsace qui lui valent cette attention inattendue. Rodolphe, fait mine de réfléchir et demande en contre-parti qu’on marie son fils à la fille du comte du Tyrol avec le duché de Carinthie en dot, et que ses quatre filles épousent les fils des ducs de Bavière, de Saxe, de Brandebourg et de Bohème ! Voilà un sacré signe du destin qui va lui permettre d’établir durablement sa famille.
Le 24 octobre 1273, Rodolphe est couronné « roi » à Aix la Chapelle. En 1274, il revient deux fois en Alsace, confirme tous les privilèges de la ville de Strasbourg et les renouvelle dans une charte donnée à Haguenau le 8 décembre 1275.
Il faut néanmoins aller sur le champ de bataille aidé en cela des armées des « beaux-pères ». Il réunit, en 1278, 25 000 hommes et prend la route de Vienne. Les deux armées ennemies se rencontrent dans la vaste plaine de la Morava et se ruent l’une sur l’autre. Après trois heures d'un combat acharné, on compte 12 000 morts dans chaque camp ! La cavalerie d’Ottokar semble prendre le dessus. Rodolphe a failli mourir là lorsque son cheval est tué sous lui. Après 3 heures de combat acharné, Rodolphe donne l’ordre à une partie de ses chevaliers gardés en réserve et cachés dans la forêt d’attaquer Ottakar par l’arrière, ce qui provoque la déroute de l’armée bohémienne. On retrouve le corps d'Ottokar parmi les morts. Rodolphe récupère les duchés d’Autriche, de Carinthie, de Styrie et du Tyrol. Il a eu la chance avec lui et nomme immédiatement son fils Albert, duc d’Autriche et de Styrie, assurant ainsi son accession au rang si convoité de prince de l’Empire.
La bataille du Marchfeld en Autriche, Wenzel réclame le corps de son père, Ottokar.
En 1278, Rodolphe revient en Alsace et accorde à Colmar un certain nombre de libertés par une charte de franchise qui commence par : « Rodolphe, par la grâce de Dieu, roi des Romains, toujours auguste, fait savoir, par le présent instrument, à tous les fidèles de l’Empire les choses qui sont ci-après écrites. L’attention et les soins de la suprême puissance royale, qui est la source des lois et qui doit les conserver toutes, doit à juste titre faire en sorte qu’elle établisse et donne des lois telles, qu’elles donnent la paix et le repos aux bons et aux innocents et qu’elles infligent des châtiments et des peines aux méchants et aux gens pernicieux, suivant que leur délit l’aura mérité. C’est pourquoi, nous avons, de notre grâce spéciale et par l’autorité de l’Empire, accordé à toujours et confirmé à nos fidèles bourgeois de Colmar les droits ci-après écrits….
En 1279, il charge Siegfried de Gundolsheim, le nouveau prévôt de la ville de Colmar, d'édifier le château du Hohlandsbourg, près de Colmar, ainsi que le château de l’Ortenbourg à Scherrwiller afin d'asseoir son autorité en Centre-Alsace. En 1281, meurt son épouse, Gertrude de Hohenberg qui est inhumée dans la cathédrale de Bâle.
Les châteaux du Hohlandsbourg et de l'Ortenberg
Rodolphe va mettre de l’ordre dans l’empire et va se battre pendant 15 ans pour assoir son autorité. Il marie ses onze enfants aux plus grands héritiers du moment. Il décède le 15 juillet 1291, à 73 ans, à Spire. Strasbourg, en reconnaissance, place sa statue équestre sur la façade occidentale de la nouvelle cathédrale à côté de celles de Clovis et de Dagobert.
Le tombeau de Rodolphe repose dans la cathédrale de Spire. Il est la personnalité la plus marquante du moyen-âge et a changé le destin de toute la plaine. Il a aussi doté sa famille d’une puissance inégalée, celle-ci s’appelant dorénavant Maison des Habsbourg d’Autriche qui règnera pendant plus de 6 siècles à Vienne. Son fils Albert 1er aura également onze enfants et il ne fait aucun doute qu’il y a du sang de ce Rodolphe dans toutes les familles nobles européennes.
Cette même année 1291, les cantons suisses s’unissent en une confédération suisse et jurent “ l’union éternelle ”. Vers 1300, les villes de l’Italie du Nord suivent l’exemple alsacien et chassent évêques et fonctionnaires impériaux pour devenir indépendantes. Ce sera l’âge d’or de la Renaissance italienne.
Rodolphe de Habsbourg aura eu une énorme influence sur le destin de l’Alsace qui dépendra directement de l’empereur. En donnant la liberté aux villes alsaciennes ; celles-ci se regroupent dans une Décapole (Wissembourg, Haguenau, Rosheim, Obernai, Sélestat, Colmar, Turckheim, Kaysersberg, Munster et Mulhouse qui se porteront dorénavant mutuelle assistance en cas de conflit ou de difficultés jusqu'en 1648.
Les statues de Rodolphe de Habsbourg à Spire et à Strasbourg
Pendant ce temps-là, en France, les rois Capétiens, en régnant de père en fils pendant plus de trois siècles ont assuré un certain calme et une pérennité au pays. Mais en 1328 les trois fils de Philippe IV le Bel meurent successivement sans descendant mâle (après le scandale d'adultère de leurs trois épouses). S'en suit une lutte à mort pour récupérer le titre de roi de France entre Philippe le comte de Valois, neveu de Philippe IV le Bel et Edouard III le roi d'Angleterre qui revendique au nom de sa mère Isabelle de France. La guerre de cent ans commence et va ruiner les deux pays.
Un terrible fléau va bouleverser toute l'Europe : la peste, venant d'Asie (déjà !), sévit dramatiquement de 1346 à 1350, puis en 1358, 1365 et 1381. L’Europe voit mourir entre un tiers et la moitié de sa population (soit environ 25 millions de personnes) dans des conditions horribles. Elle s’étend de la mer Noire au Groenland. Certaines villes perdent la moitié de leur population et il s’en suit un chaos économique et social. La folie collective qui en découle mène au bûcher des milliers de juifs, injustement accusés d’avoir répandu la maladie.
En 1365, les deux frères Habsbourg, Albert III et Léopold III, (arrière-petit-fils de Rodolphe 1er) héritent et se partagent leurs énormes possessions ; Albert reçoit les duchés autrichiens et Léopold les “ Pays antérieurs ” (Haute-Alsace, Pays de Bade et Suisse). Mais Léopold a trop augmenté les impôts de ses sujets et les Suisses du pays des 4 cantons se révoltent.
En 1386, Léopold III mobilise toute la noblesse alsacienne pour mater les confédérés suisses et rester maître de ses territoires suisses (il réunit une armée de 25000 hommes). La bataille a lieu à Sempach (près de Lucerne) et est la plus grande défaite des Habsbourg face aux « bucherons » suisses. C’est le début de l’émancipation des cantons suisses. Léopold meurt sur le champ de bataille avec la quasi-totalité de la chevalerie rhénane qui avait décidé d’attaquer les suisses à pied engoncés dans leurs armures (ils ne se souvenaient pas du résultat de la bataille de Hausbergen remporté par les Strasbourgeois en 1262 !) résultat : 2000 morts du côté des Habsbourg, 200 du côté des suisses !
Dans la liste des victimes on trouve le Duc Léopold de Habsbourg, le prévôt Jean d’Ochsenstein et une soixantaine de nobles alsaciens. Parmi eux, les seigneurs des meilleures familles : Walther von Dicke du Spesbourg, quatre chevaliers d’Andlau, six Rathsamhausen, deux Landsberg et deux Berckheim de Mittelbergheim, un Géroldseck et Waldner de Reinach …
La bataille de Sempach en Suisse
L'étrange mort de Walther von Dicke à la bataille de Sempach
Walther von Dicke est le deuxième fils du seigneur de Spesbourg , Heinrich von Dicke. Il ne devait donc pas devenir le chef de famille. Pourtant, son aîné opte pour la carrière écclésiastique...
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La République de Strasbourg - Histoires et Lieux d'Alsace
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http://histoires-et-lieux-alsace.com/2020/05/la-republique-de-strasbourg.html