15 Avril 2020
Rouffach est un petit village situé au confluent de l'Ohmbach et de la Lauch, à 15 km au sud de Colmar qui était déjà au Vème siècle une résidence des rois mérovingiens.
Au VIIème siècle, Arbogast, ermite dans la forêt de Haguenau, a eu la chance de sa vie. Il ressuscite le fils du roi Dagobert III qui avait été blessé mortellement par un sanglier. Le roi le nomme évêque de Strasbourg et lui offre en reconnaissance son château d’Isenbourg avec le village de Rufach (belle promotion). La cité s’agrandit et se dote d’une enceinte de défense.
Au début du 12ème siècle, la lutte entre les Papes et les Empereurs germaniques est à son paroxysme. L’empereur Henri IV se bat depuis vingt ans contre les Papes qui l’excommunie plusieurs fois.
Jamais les évêques n’avaient été aussi riches en Alsace qu’à cette époque : « les droits épiscopaux, très dispersés, s’étendaient sur une centaine de villages ; l’administration en était assurée par des baillis, siégeant dans des châteaux, sous la direction d’un vidame épiscopal installé au palais de Strasbourg, tandis que la collecte des récoltes et des revenus était effectuée par les maires. En outre l’évêque était le seigneur de multiples vassaux dont le nombre n’avait cessé de croître depuis le Xème siècle ». Ce qui explique les luttes pour obtenir le poste et la corruption généralisée qui règne à ce moment-là !
En 1100, l’empereur Henri IV nomme Cunon, le chanoine, évêque de Strasbourg ; ce qui déclenche son excommunication par le pape. Le pape pousse à la révolte les fils de l’empereur. De fait, le fils ainé, Henri, craignant de perdre l’héritage, se rebelle contre son père qui meurt en 1105 d’épuisement ! Cunon, l’évêque de Strasbourg, voyant que les choses tournent mal, change sa veste et soutient maintenant le fils Henri.
Henri V est ainsi couronné empereur du Saint-Empire Germanique en janvier 1106 à l’âge de vingt ans et décide de visiter son pays pour étouffer les contestations éventuelles. Le nouvel empereur arrive à Rufach, toujours propriété de l'évêque de Strasbourg, avec une suite nombreuse qui évidemment ne pense qu’à faire ripaille. On ne sait pas vraiment ce qui se passe alors, le jour de Pâques ?
On raconte que le bailli du château, peut-être l’alcool aidant, enlève une jeune villageoise (Dieu sait pourquoi ?) qui se rendait à l’église avec sa maman ! Ou est-ce les hommes de l'empereur qui s'en prennent aux femmes du village ? Toujours est-il que les mamans alertent les hommes du village qui, compte tenu de la présence de l’empereur, n’osent pas entreprendre quelque chose. Les villageoises s’emparent alors des armes, brisent les portes du château et tuent quelques gardes ébahis. Les hommes viennent ensuite prêter main forte à leurs femmes et pourchassent soldats, écuyers et chevaliers dans l’enceinte du château. L’empereur ne peut que s’enfuir honteusement avec sa suite en laissant bijoux, insignes de la Couronne (couronne, manteau et sceptre de Charlemagne, la lance de saint Maurice etc…). Pour les villageois, c’est une victoire totale et ils emportent le butin à l’église de Notre-Dame. De ce jour, d’après la légende, les femmes de Rouffach ont le privilège de prendre place dans les rangées à droite dans l’église.
Evidemment, cette victoire va coûter cher aux malheureux villageois. L’empereur Henri promit d’oublier l’incident si on lui rend les insignes de son pouvoir. Mais, rentré en possession de ses bijoux, le méchant Henri retourne à Rouffach avec son armée, pille et incendie le village. Beaucoup d’habitants seront tués et le village aura beaucoup de mal à se remettre de cet épisode.