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Histoires et Lieux d'Alsace

Louis XI de France exporte la guerre de cent ans en Alsace

             En France, les rois capétiens ont rendu leur lignage héréditaire en faisant sacrer leurs fils de leur vivant. Ils sont en lutte permanente avec les puissants seigneurs qui sont toujours en désir d’indépendance et l’Angleterre qui revendique éternellement des territoires de ce côté-ci de la Manche.
             Philippe le Bel s’en était pris à l’Ordre des Templiers pour leur prendre leur argent et avait fait exécuter sur le bûcher son maître, Jacques de Molay, à Paris en 1314. Celui-ci avait prononcé ces dernières paroles : « Je vois ici mon jugement où mourir me convient librement ; Dieu sait qui a tort, qui a péché. Il va bientôt arriver malheur à ceux qui nous ont condamnés à tort : Dieu vengera notre mort. »  
             De fait, les 3 fils de Philippe le Bel mourront sans descendants après l’affaire des « brus du roi » (les rois maudits de Maurice Druon). Commence alors la guerre de cent ans où l’Angleterre revendique le trône de France.
             Le règne des deux premiers Valois (Philippe VI et Jean le Bon) est celui des désastres militaires : L’Ecluse, en 1340, Crécy en 1346, Calais en 1348 et Poitiers en 1356 où la chevalerie française sera à chaque fois anéantie par les archers anglais. Ces désastres sont surtout dus à l’incapacité de l’aristocratie française à faire évoluer la stratégie militaire et où on voit la “ piétaille honni ” vaincre les chevaliers trop sûrs d’eux (comme en Alsace). 
             En 1415, l’élite de la chevalerie française (6000 chevaliers), qui n’a décidément rien retenu des leçons précédentes, est encore anéantie, à Azincourt, par les archers d’Henri V, roi d’Angleterre. Charles VI, désemparé par la guerre civile, signera, en 1420, le traité de Troyes qui prévoit que le trône de France reviendra à Henri V d’Angleterre. C’est peut-être pour cela qu’on l’a surnommé le fou ! On frôle la catastrophe politique. Heureusement qu’une jeune pucelle, Jeanne d’Arc, vient au secours du royaume de France et remet le roi Charles VII « en selle ».

 

Louis XI de France exporte la guerre de cent ans en Alsace
Louis XI de France exporte la guerre de cent ans en Alsace

             L’Alsace, à la frontière de cette France ravagée par la guerre, va aussi faire les frais de ces malheurs. En effet, entre 1365 et 1445, des “ Grandes Compagnies ” de mercenaires anglais ou français (en chômage partiel quand il y a des trêves) envahissent à plusieurs reprises l’Alsace, incendiant les villages, rançonnant et tuant les habitants.
              En 1444, l’empereur Frédéric III de Habsbourg qui veut toujours récupérer ses possessions suisses, intervient dans la guerre civile entre les cantons. Pour défendre Zurich contre le canton de Bern, il demande au roi de France d’envoyer ses mercenaires désœuvrés pour attaquer les suisses à revers. Le dauphin de France qui a 20 ans, futur Louis XI, excité par cette idée y voit une occasion de briller et arrive en 1444 avec 40.000 « armagnacs » devant Bâle !  C’est la plus grosse armée du monde du moment !
            Le 26 août 1444 eut lieu la première bataille devant Bâle. Les 1500 jeunes de l’avant-garde suisse, ignorant les ordres reçus, décident d’attaquer les mercenaires français. La bataille de la Birse, du nom de la rivière qui passe là, est acharnée. Les jeunes suisses se battent jusqu’à la mort et refusent toute proposition de reddition. La bataille est certes perdue (1500 morts du coté suisse et 2000 du coté français) mais elle va dissuader le jeune dauphin à poursuivre sa campagne contre les suisses qui réalisent à cette occasion leur réputation de témérité.          

La bataille de la Birse devant Bâle

La bataille de la Birse devant Bâle

             L’empereur Frédéric ne payant pas ce qu’il avait promis, le jeune Louis de France se rabat alors sur l’Alsace et décide de se « refaire » en pillant la plaine qui s’offre à sa vue. Il évite les villes de Mulhouse et Colmar et s’en prend aux villages moins bien protégés. Il prend d’assaut St Hyppolite, et arrive devant Dambach qu’il assiège et qui résiste pendant 3 jours. Le 7 octobre 1444, Louis, le dauphin de France, participe à l’attaque des remparts. L’artillerie royale ouvre deux brèches dans les murs. Lors de l’assaut, le Dauphin est cloué à sa selle par une flèche qui lui traverse le genou. Il se retire à Châtenois. Le Roi de France, Charles VII, informé et inquiet, commande à son fils de rentrer en France.

Le dauphin Louis XI de France au siège de Dambach
Le dauphin Louis XI de France au siège de Dambach

Le dauphin Louis XI de France au siège de Dambach

           L'armée de mercenaires cherche ses quartiers d’hiver. On va voir ces            « écorcheurs » arriver à Rosheim et tenir au conseil municipal un drôle de discours prémonitoire : « le Maréchal de France exige de par son maître le Roi qu’on lui ouvre la ville. Alors la ville et ce pays seraient siens. Il voulait que ce fut ainsi, ou alors il saurait bien la prendre par la force avec les arquebuses et les armes à feu dont il disposait là, et alors il les tuerait tous. »
           Apeurés, les conseillers ouvrent les portes de la petite cité sans en référer à quiconque !  Cela ne changera rien au résultat : Rosheim est mise à sac et les Français s’y installent, à l’abri des murs. Toute l’Alsace est atterrée !
Ils prennent aussi Blienschwiller, Chatenois, Scharrachbergheim, Balbronn et Bergbieten. Certaines cités, Wangen ou Westhoffen résistent avant de devoir se rendre. Sauf paiement d’un énorme tribut, les Ecorcheurs se répandent dans les villages, violent, massacrent, tuent et pillent. 
              Devant la fureur des « Kelsniders », nouveau surnom donné aux écorcheurs qui coupaient la gorge à tout prisonnier ne pouvant payer rançon, on répondit par la noyade de tout mercenaire capturé, la pendaison étant jugée trop douce.

             Les « écorcheurs » prennent également le château et le village de Schaefolsheim, s’établissent à Marlenheim, Geispolsheim, Blaesheim. et menace directement les Strasbourgeois. Ceux-ci s'organisent et répliquent par des actes.
             Le 5 novembre, 800 « Armagnacs » sortent de leur quartier de Rosheim et viennent à Geispolsheim pour récupérer du fourrage, ne se doutant pas qu'une centaine de Strasbourgeois, avaient pris position dans le château. Les Strasbourgeois leur tombent dessus et en tuent cent cinquante. Ils s'emparent encore de deux cents chevaux avec leurs voitures chargées. 
             Le 17 décembre, 200 cavaliers et 1400 piétons venant de Strasbourg attaquent Marlenheim, aux mains des Armagnacs et assiègent le château fortement défendu. Les fossés étant remplis de glace, les assaillants peuvent s'approcher de la forteresse, appliquer des échelles contre les remparts et prendre le château avec les provisions qui s'y trouvaient entassées.
             En janvier 1445, le comte palatin du Rhin et son frère l'évêque Robert, les seigneurs de Lutzelstein et de Lichtenbcrg s’entendent avec la ville de Strasbourg, réunissent un corps de 700 cavaliers bien équipés et organisent une expédition du côté d’llkirch. Sur ces entrefaites 2000 Ecorcheurs toujours de Rosheim se présentent à Blaesheim en quête de fourrage. Les strasbourgeois les attaquent et en tuent 300 et mettent les autres en déroute en faisant 3 prisonniers de marque, 3 des principaux capitaines surpris par la soudaineté de l'attaque. La capture de ces gens de marque est une aubaine pour les Strasbourgeois qui copiant les méthodes des Ecorcheurs exigent de fortes rançons. Mathelin de Lescouhet fut évalué à 15 000 florins (environ 7 millions d'euros), Améde de Valpergue à 4000 (2 millions) et le dernier à deux mille seulement ; quant aux autres prisonniers vulgaires, comme il n'y avait rien à en tirer, ils sont suivant l'habitude impitoyablement noyés.
             Pendant toutes ces opérations de guérillas on a appelé à l’aide l’empereur Frédéric III Habsbourg qui ne bouge pas ; évidemment, c’est lui qui les avait fait venir. L’armée de secours tant attendue ne viendra pas et les villes ne pourront compter que sur elles-mêmes. 
             Les Ecorcheurs, harassés de toute part, commencent à se replier, tout en continuant leurs dévastations et leurs crimes. Les Français stationnés au nord de l’Alsace se regroupent vers Blienschwiller, et repartent vers la Lorraine par le Val de Lièpvre (Sainte Marie aux Mines). Au lieu-dit le rocher du violon à Rombach le Franc, Gunther qui dirige les troupes de Sélestat et Ulric celles d’Obernai ont tendu une embuscade, ils attaquent l’arrière garde des français dans ce défilé étroit. D'énormes quartiers de rochers sont précipités sur les Armagnacs. Ceux-ci perdent 300 hommes (dont un maréchal de France), et une grosse partie de leur butin est récupéré par les Alsaciens (6000 florins d’or, 400 chevaux, des tonneaux, de la vaisselle et quelques jolies femmes). Trophée inespéré de ce combat, l’artillerie du prince Louis ( 9 canons) est aux mains des alsaciens et ramenée à Sélestat !
Le roi de France, Charles VII, se met dans une colère terrible quand il apprend la nouvelle. On ne reverra pas les Français de sitôt.

La cité fortifiée de Dambach avec son château du Berstein

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