27 Novembre 2020
Mulhouse a une histoire très particulière : c'est la seule ville libre de l'Alsace impériale a avoir conservé ses libertés communales jusqu'en 1798 (le reste de la plaine ayant été ravi par Louis XIV en 1681) !
Comme à Hindisheim, elle doit sa naissance à un hun de l’armée d’Attila qui, blessé lors de l’invasion de 451 après J.C., aurait été soigné par la fille d’un meunier … dans un endroit perdu de la plaine … près d’un moulin sur l'Ill … d’où le nom du village qui naîtra de leur amour : Mülhausen (la maison du moulin).
Mülhausen s’est ensuite fait oublier par l’histoire pendant quelques siècles et grandira dans l'ombre de ses grandes soeurs, Bâle et Strasbourg.
Comme Strasbourg, Mülhausen s’est libéré au Moyen Age de la domination des évêques de Strasbourg avec l’aide du fameux Rodolphe de Habsbourg qui allait fonder la dynastie des Habsbourg d’Autriche. Mülhausen devient ville libre de l’Empire en 1275 et fait partie de la Décapole, les dix villes libres d’Alsace qui se promirent aide et assistance. En 1347, la ville élit son premier bourgmestre et s’autoproclame république qui existera pendant 450 ans. Mais cette initiative va provoquer la colère des princes locaux. Ceux-ci s’allient aux descendants de Rodolphe de Habsbourg qui veulent également revenir sur les engagements passés et déclarent, en 1466, la guerre à la ville sous un prétexte futile. La guerre des « six deniers » oblige la ville à s’allier avec les villes suisses de Berne, Soleure, Lucerne, Zurich, Uri et Zug. Les villes allemandes de Fribourg, Neuenburg et Brisach déclarent alors la guerre et assiègent Mulhouse. Les armées suisses ravagent pendant 2 semaines les terres des seigneurs alsaciens et détruisent près de 100 villages ainsi que les châteaux des seigneurs ! Le duc Sigismond de Habsbourg d'Innsbruck est obligé en 1468 de signer le traité de Waldshut. Mülhausen signe en 1515 un traité avec les XIII cantons libres suisses et garantit ainsi son indépendance jusqu’en 1798.
La ville passe au protestantisme en 1523 et chasse catholiques et juifs. Pendant la guerre de Trente ans où l'Alsace est ravagée par les armées catholiques et protestantes de toute l'Europe, Mülhausen reste neutre derrière ses murailles et son alliance avec les cantons suisses. Le traité de Westphalie de 1648 lui reconnaît, étonnamment, le statut de république indépendante, statut qu’elle va conserver jusqu’en 1798.
Après cette épouvantable guerre où l’Alsace exsangue a perdu la moitié de sa population, Mülhausen est non seulement indemne mais a vu affluer beaucoup d’argent que les nantis du reste de la plaine voulait mettre à l’abri. Sa population passe de 2000 à 4000 habitants et s’enrichit par le commerce avec les villes suisses. L'esprit de résistance de la nouvelle religion décuplé par l'esprit de liberté de la jeune république va faire pousser des ailes à la jeunesse de cette petite ville.
En France, la fabrication d’indiennes (étoffes peintes importées d’Inde) avait été interdite par Colbert pour protéger la fabrication du lin et de la laine. Cette interdiction ne touche pas l’Alsace et encore moins Mülhausen ! Dans cette république indépendante de 4 000 âmes, en 1746, 3 jeunes hommes, Jean-Jacques Schmalzer, Jean-Henri Dollfus et Samuel Koechlin, vont avoir une idée de génie. Ils sentent l’énorme opportunité et créent, avec un capital de 60 000 livres, la première manufacture d’impressions sur tissus qui va connaitre, non seulement, un formidable succès mais assurera un développement industriel fulgurant à la petite cité.
En 1766, Mülhausen compte déjà 15 fabriques et 2200 ouvriers. La révolution française ne laisse pas la petite ville indifférente et elle l’observe avec curiosité derrière ses murailles. Mais en 1798, le blocus douanier décidé par le directoire à Paris contraint le conseil de la ville à voter le rattachement de la ville à la France. Les riches familles sont farouchement opposés à ce rattachement et, dépités, ne participent pas à la grande fête qui a lieu le 15 mars et qui rassemble les 6000 habitants, place de la "Réunion".
Mülhausen détruit ensuite ses murailles pour assurer, au nord, le développement de ses usines et de cités ouvrières, et pour construire, au sud, un quartier résidentiel pour les familles riches.. En 1829, lors de la réalisation du canal du Rhône au Rhin, la ville aménage un bassin lui permettant d'exporter ses produits par le Rhin.
Le 1er septembre 1839 est inaugurée la première ligne de chemin de fer entre Mulhouse et Thann qui va améliorer le transport entre les usines. C’est Nicolas KOECHLIN, un petit-fils de Samuel Koechlin et Jean-Henri Dollfus, qui s’est lancé dans cette aventure gigantesque dont la construction nécessite un viaduc, trente-deux ouvrages d’art et trente passages à niveau. Les Koechlin ont déjà fait fortune dans le textile et le cousin de Nicolas, André Koechlin va fabriquer la première locomotive appelée la « Napoléon ». Les deux cousins Koechlin épousent deux filles Dollfuss. D’autres suivront et André Koechlin créera plus tard la SACM qui fabriquera plus de 5000 locomotives. En 1841, Nicolas Koechlin crée la ligne entre Strasbourg, Mulhouse et Bâle ce qui lui vaut une renommée internationale.
En 1848, Mülhausen change son nom et devient Mulhouse qui compte 30 000 habitants dont 20 000 ouvriers. La défaite de Napoléon III en 1871 ne changera pas le développement des industries qui continuent leur expansion. C’est ainsi que Mulhouse devient la «Manchester française », la ville aux 100 cheminées. Une dizaine de familles auront fait preuve d’un génie hors du commun pour créer toutes ces industries innovantes.
Après les bombardements de 1944, la ville se reconstruit et crée de grands ensembles comme la cité Jean Wagner et ses 13 barres d’immeubles, puis à l’Ouest, le quartier des Coteaux, avec ses 22 immeubles. Malheureusement, ces industries qui ont fait la renommée de la ville ne sauront pas s’adapter à l’évolution des techniques et de la concurrence asiatique. A la fin des années 1980, un véritable projet urbain se met en place : les opérations de requalification urbaine et les réhabilitations des friches industrielles ou militaires prennent une place importante et donnent un nouveau visage au paysage urbain. Un gratte-ciel de cent mètres de haut, la tour de l'Europe, a été construit dans les années 1970, symbolisant la région mulhousienne comme zone de jonction des trois pays européens : l'Allemagne, la France et la Suisse.
Onze musées vont aussi voir le jour et perpétuer aux jeunes générations le souvenir des réalisations extraordinaires de leurs aïeux.
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