Les Carolingiens jettent l'Alsace en Germanie

         En septembre 768, quand son père Pépin le Bref, qui avait déposé le dernier roi mérovingien, meurt à Saint Denis, Karl a vingt ans. Il est né à Soissons et parle le francique rhénan (l'allemand d'origine) et le latin. En 771 à la mort de son frère Karloman, Karl s’attribue tout le royaume qui comprend les territoires de la Garonne au Rhin, soit l’Alémanie, l’Austrasie, la Neustrie et l’Aquitaine.
          Débordant d’énergie, Karl ou Charles n'a de cesse de consolider ses énormes possessions. Il réalise au cours de ses 45 années de règne pas moins de 55 campagnes militaires dans toute l’Europe pour (officiellement) imposer la religion catholique mais aussi pour dissuader quiconque de lui contester son pouvoir. Il convoque son armée chaque printemps pour une campagne de trois à six mois. Chaque guerrier doit apporter son armement et ses vivres pour 3 mois ! L’objectif de chaque campagne est aussi de ramasser le plus grand butin possible pour payer ses soldats. Des dizaines de charrettes tirées par quatre boeufs remontent en fin de campagne vers Aix la Chapelle où Charles répartit or, argent, armes à ceux qui ont survécu. 
          Avec une armée de 40000 cavaliers et autant de fantassins, il fait ainsi, à partir de 772, une guerre acharnée aux Saxons, Bavarois et Avars en Hongrie qui lui opposent une vigoureuse résistance. Dans ces luttes, Charlemagne ne cesse d'être soutenu (on comprend pourquoi) par les papes Adrien Ier et Léon III qui le couronnent empereur dans la basilique Saint Pierre de Rome le jour de Noël 799.
 

          Charles ne sait pas écrire mais va inventer l’école. Il initie la scolarité en mettant en place des collèges devant instruire le clergé qui à son tour doit dispenser une éducation aux enfants du peuple.
          Charlemagne vient à Brumath en 772 et à Sélestat à la noël 775. Il possède dans la région plusieurs « palais » comme Illzach, Kirchheim-Marlenheim ou Koenigshoffen… qui était déjà les « résidences des rois mérovingiens » … 
          Il se marie six fois (avec des épouses toujours très jeunes), et a eu 14 ou 16 enfants légitimes (+ de nombreux bâtards) dont 9 filles. Aimant trop ses filles, il n’a jamais voulut les marier, ce qu’il finit par regretter. À la fin de sa vie, comme il souffre de rhumatismes, Charlemagne s’établit à Aix-la-Chapelle près d'une source thérapeutique. Il y meurt dans son palais le 28 janvier 814, à 66 ans et est inhumé dans la chapelle palatine le jour même. 

          Tout comme Clovis 3 siècles plus tôt, la coutume franque de partager le royaume entre les enfants mâles va provoquer un séisme politique. De fait, son fils, Louis le pieux, empereur à 36 ans, se retrouve, en juin 833, prisonnier sur le « Lügenfeld » (le champ du mensonge), à Sigolsheim près de Colmar, de ses fils d’un 1er mariage (Lothaire, Pépin et Louis). Ceux-ci ne supportent pas son remariage avec Judith de Bavière et le fait de devoir partager l’héritage avec Charles leur demi-frère (le futur roi de France).

          En 842, pour se défendre des exactions de leur frère Lothaire, Louis dit le Germanique et Charles le Chauve se prêtent un Serment d’assistance à Argentariae (les Serments de Strasbourg) en deux langues : Louis en langue romane (l'ancêtre du français), Charles le Chauve en langue tudesque (l'ancêtre de l'allemand) pour être compris des soldats de son rival. Leurs serments sont repris par tous les soldats dans leur langue habituelle.
          En 870, à la mort de leur frère Lothaire (qui régnait sur la Lotharingie et l’Alsace) Charles et Louis signent le traité de Mersen et se partagent l’empire octroyant à Charles le Chauve les pays de langue romane (la France) et à Louis le Germanique ceux de langue germanique.
          Ce partage est à l’origine de la naissance des trois états : la France, l’Allemagne et l’Italie et fige pour les siècles à venir les frontières et rapports entre leurs habitants.

          Voilà, notre Alsace en Germanie pour 900 ans.