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Histoires et Lieux d'Alsace

Le destin d'Odile d'OBERNAI

Le Mont Ste-Odile et Obernai
Le Mont Ste-Odile et Obernai
Le Mont Ste-Odile et Obernai
Le Mont Ste-Odile et Obernai

Le Mont Ste-Odile et Obernai

          Nous sommes en 660, à Ehenheim (Obernai). Une petite fille naît au château d’Aldaric de la famille des Etichonides. Aldaric est le fils d’un chef mérovingien qui résidait à la cour royale de Marlenheim. Mais cette petite fille est aveugle et son père, furieux de ne pas avoir eu un fils, veut la faire mettre à mort ; « Cela ne sert à rien, une fille aveugle ! Personne n’en voudra ! »  Berswinde, la mère de l’enfant, affolée, confie d’abord l’enfant à une nourrice de Scherwiller avant de l’envoyer chez les sœurs du couvent de Baume les Dames.
          Aldaric est nommé duc d’Alsace en 662 par le roi d’Austrasie, Childéric II. Une énorme promotion sociale dont il faut absolument assurer la position. Pour des raisons stratégiques, il décide de construire un deuxième château sur la colline de l’Altitona qui domine Ehenheim sur l’emplacement de l’ancien fort romain qui avait été lui-même construit sur les ruines d’une fortification celte, éperon du fameux mur païen. Le château de Hohenburg, situé sur un magnifique promontoire rocheux, domine toute la plaine et offre une vue extraordinaire jusqu’aux sommets de la Forêt noire.

        En 673, Saint Erhard, l’évêque de Ratisbonne, a une vision où Dieu lui ordonne d’aller au monastère de Baumes les Dames et d’y baptiser une jeune fille de 12 ans, aveugle de naissance :

« Tu la baptiseras, lui dit le Seigneur ; tu lui imposeras le nom d'Odile et, aussitôt baptisée, elle recouvrera la vue ». C’est ainsi que Saint-Ehrard prend la route de Baumes et baptise la jeune fille en lui donnant le prénom d’Odile qui veut dire Fille de Lumière. Et, c’est un miracle, une fois baptisée, Odile retrouve la vue. C’est ainsi que naît la Légende de Sainte-Odile qui va consacrer sa vie à Dieu. 

         Saint-Ehrard, apprenant l’illustre origine d’Odile, décide d’informer le duc Aldaric de l’heureux miracle. Mais Aldaric qui a maintenant quatre fils et une fille ne veut pas la revoir. Hugon, le frère ainé d’Odile, ayant également entendu parler du miracle, fait revenir Odile à Obernai sans en parler à son père. Adalric, furieux de la désobéissance de son fils, le frappe si violemment avec un bâton que celui-ci en meure. Le duc, effondré, autorise alors sa fille à rester au château. La bonté et la bienveillance d’Odile finissent par séduire le despotique duc.

Le destin d'Odile d'OBERNAI

          L’époque est extrêmement troublée. En 675, le roi Childéric II est assassiné. Aldaric se lie avec Pépin II de Herstal, maire du palais d’Austrasie à Metz dans la guerre contre les "maires" de Neustrie. et doit combattre en Bourgogne et en Provence pour sauvegarder ses titres. 
          Aldaric veut ensuite marier Odile à un prince germanique. Mais Odile ne veut se vouer qu’à Dieu depuis qu’elle a retrouvé la vue. Ne pouvant convaincre son père, elle s’enfuit, traverse la plaine et le Rhin. Aldaric, la poursuit jusqu’en Forêt Noire. Quand Odile entend et reconnait la troupe de cavaliers, près de Fribourg, elle se met à genoux et implore l’aide de Dieu. A ce moment-là, un rocher s’ouvre devant elle lui laissant le passage et se refermant derrière elle. (on a construit plus tard, à cet emplacement une chapelle et un hermitage sur le Schlossberg près de Fribourg où l’on peut voir le fameux rocher, l’Odilienstein). 
          Le duc comprend enfin que la vie de sa fille est prédestinée et qu’il ne peut s’opposer à sa vocation. De retour au château, il fait publier un édit par lequel il s’engage à respecter les vœux de sa fille et de lui faire don du château du Hohenburg et des terres avoisinantes afin de créer une abbaye pour femmes si Odile consent à rentrer chez elle. Toute heureuse de la tournure des évènements, Odile repasse le Rhin à la tête d’un cortège que lui a envoyé son père et devant une foule de curieux venue voir celle qui va marquer l’histoire de toute la région.

 

          Le château est alors transformé pour recevoir les premières abbesses mais est rapidement envahi par une foule de croyants attirée par la rumeur relative aux miracles qui s’est propagée comme une trainée de poudre. Odile devient la première abbesse et l’attraction de toute la région. Sa réputation dépasse largement les frontières de l’empire. Elle soulage les malades, donne de la nourriture aux pauvres, instruit les religieuses à la lecture des livres saints et fortifie les autres par ses exemples. Un contemporain écrit : « n'avoit pour ses plus friands morceaux que pain d'orge, encore beaucoup moins que son saoûl ; pour tout lict, couche et couverture, n'avoit qu'une peau d'un ours et pour son traversin et coussin une très dure pierre. Par ces moyens domptoit son corps et l'affranchissoit des assauts voluptueux de la chair, les combattant par ce qui leur estoit le plus contraire ». Dieu ne pouvait rester les bras croisés à autant de dévotion. Un jour, un lépreux tombe presque mort devant la porte de l’abbaye. Personne n’ose l’approcher tellement il est repoussant. Odile accourt, l’embrasse, lui donne à manger et supplie le Seigneur de le sauver. Le lépreux guérit ! 
Les bâtiments terminés, Odile en prend possession, vers 680, à la tête d'une communauté de cent trente religieuses issues de la noblesse rhénane.

          En 683, Aldaric désigne son fils Adalbert comme son successeur et le nomme comte du Sundgau (haut-rhin). Celui-ci va construire la résidence royale de Koenigshoffen, et les abbayes de Honau et de Saint-Etienne aux portes de Strasbourg. En 687, Aldaric doit encore prêter main-forte à Pépin II et ils remportent la bataille de Tertry dans la Somme ce qui permettra plus tard l’avènement des carolingiens. Le duc meurt en 690 à l’âge de 55 ans en demandant à sa fille de pardonner ses fautes et de prier pour le repos de son âme. 
            Pendant 30 ans, Odile accueille avec sa sœur Roswinde une centaine de femmes qui veulent fuir la brutalité du monde. Souvent, Odile voit les malheureux malades arriver exténués à l’abbaye à 750 mètres d’altitude. Elle décide construire une deuxième abbaye au bas du chemin des pèlerins qu’on appelle   « Niedermunster ». Elle y reçoit des centaines de pauvres et d’infirmes. Elle crée aussi un hospice pour les lépreux et une chapelle dédiée à Saint-Nicolas. Elle réalise tous les jours les 2 heures de descente et de remontée pour visiter et atténuer les souffrances des malades. Un soir, elle remonte le chemin vers le mont et rencontre un vieillard épuisé, mourant de soif. Elle soutient l’homme, se met à prier et frappe le rocher de son bâton. Une source jaillit alors du rocher et sauve la vie du pauvre homme. La source existe toujours sous le Mont.
« Il semblait, dit Hugues Peltre, que la Bienheureuse Odile voulût changer tout Hohenbourg en chapelles ou en stations. Elle oubliait la terre en s'approchant de son Dieu ; elle montait de vertu en vertu ; elle s'élevait bien haut comme les sapins de la montagne ».

 

Le destin d'Odile d'OBERNAI

          Le 13 décembre 720, Odile s’endort paisiblement après avoir consacré sa vie aux autres ; son corps est déposé dans un sarcophage dans la chapelle Saint Jean-Baptiste du Mont et sera vénérée dans tout le pays : elle sera canonisée en 1049 par le pape alsacien Léon IX. Le Mont Sainte-Odile devient la montagne sacrée de l’Alsace. Ce sera également un lieu de pèlerinage des mal voyants et aveugles qui viendront de toute l’Europe dans l’espoir de retrouver la vue. Charlemagne, l’empereur Frédéric Barberousse, le roi Richard Cœur de Lion, le pape Léon IX, le pape Jean-Paul II entre autres, viendront en pèlerinage sur sa tombe. 
          Son influence allait se perpétuer à travers les âges et provoquer une formidable éclosion de foi, qui devait faire de notre Alsace un des pays les plus chers à l'Eglise et les plus dévoués à la cause catholique. 
         Après la mort d’Odile, les chanoinesses élisent pour lui succéder ses deux nièces, filles d’Adalbert, le nouveau duc : Eugénie d'Alsace, abbesse de Hohenbourg, et Gundelina abbesse de l’abbaye Sainte-Marie de Niedermunster.
         Le duc Adalberg meurt, en décembre 722, et transmet le duché d’Alsace à son fils ainé Luitfried 1er (700-767), le comté de Nordgau à son deuxième fils, Eberhard d’Eguisheim et le comté du Sundgau au troisième, Mason.

 

Le sarcophage de Sainte-Odile dans la chapelle du Mont

Le sarcophage de Sainte-Odile dans la chapelle du Mont

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